Parler de solidarité et de développement nous emporte systématiquement ou presque vers la thématique de l'aide au développement, avec un discours plus ou moins compassionnel, plus ou moins intéressé, plus ou moins critique. Des regards, en quelque sorte, occidentaux toujours tournés vers un ailleurs à aider absolument, comme si le développement ne concernait que des Autres, évidemment en voie de développement ou, considérés comme "sous-développés". Et si nous déplacions quelque peu la focale !
Et, si pour parler de solidarité et de développement, nous n'évoquions pas tel ou tel autre pays dit pauvre (notons tout de même que nombre de ces pays dits pauvres sont riches de ressources naturelles), mais au contraire l'être humain, qui n'est humain que dans la mesure où il vit avec et parmi les autres hommes, que dans la mesure où il se pense en lien avec les autres hommes, que dans la mesure où il entre en conversation avec d'autres. Et si, pour parler de solidarité et de développement, nous parlions politiques de la vie bonne et des institutions justes, nous parlions non seulement utopie mais aussi et surtout partage et considération, nous parlions non pas compassion et pitié mais éthique et responsabilité. Et, si, enfin, nous oubliions la centration sur soi, pour considérer ce que "solidarité et développement" signifient vraiment, et en quoi et pourquoi ils sont indissolublement liés.
Cette conférence, introductive, tentera de circonscrire l'ensemble des enjeux liés au couple "solidarité et développement" dans le monde contemporain, avec un développement marqué par la mondialisation, le règne de la finance, les enjeux environnementaux, et avec une solidarité marquée par l'émotionnel, donc une solidarité discontinue et dispersée, une solidarité en pointillé. Nous essaierons ainsi de repenser les termes du développement sans en oublier la contrepartie qu'est la condition d'humanité, c'est-à-dire aussi la solidarité d'appartenance à la même communauté humaine.