Quand on pense à un écrivain dont on peut supposer en savoir beaucoup, un des premiers qui viennent à l’esprit est probablement François Pétrarque: la masse de ses lettres, où il ne parle souvent que de lui-même, et le nombre presque infini d’annotations qu’il a accumulées sur les marges de ses livres constituent une source inépuisable pour les chercheurs. Mais comme on a très peu de documents de la part de ses correspondants, nous avons souvent l’impression fâcheuse de ne connaître que ce que Pétrarque a voulu que nous sachions et que ses lettres sont moins conçues et écrites pour les contemporains que pour la postérité. Les preuves sont multiples et intéressent aussi l’événement le plus célèbre de la biographie de cet auteur, le couronnement à Rome, en 1341, au cours d’une cérémonie qui semblait ressusciter les usages anciens en octroyant un titre doctoral qui permettait de se proclamer «laureatus poeta». Une lettre qui relate le déroulement des faits a été réécrite par Pétrarque, et il ne s’agit pas simplement de petits arrangements de style, mais plutôt de changements substantiels. La parole aurait-elle été donnée à l’homme non seulement pour cacher sa pensée, mais pour lui permettre d’intervenir sur ce qui s'est passé? Voilà une question qui se pose, lorsque l’on se penche sur Pétrarque, sur ses lettres ainsi que sur ses vers; et voilà, aussi, la question que l’on aimerait poser au cœur de la discussion.